Journée épuisante.

[Mathilda]

Cela fait maintenant quelques jours, que je suis une des leurs. Et pourtant.. je n’en ai pas l’impression. Un frisson me parcourt de la tête au pied, me paralyse l’espace d’un instant. Suis-je réellement un membre de la Dark Alliance à leurs yeux ? Depuis mon acceptation, je ne parle pas, ou presque. Je reste enfermée dans ma chambre à longueur de journée, plongée dans des livres de sorcellerie. Devrai-je sortir un peu et visiter les environs ? Devrai-je me secouer et faire quelques connaissances ?

J’ai peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de décevoir, peur d’être inutile. Dans un bruit sec, je referme mon livre, le pose sur mon lit. J’attrape mon bâton et quitte ma chambre. Longeant les couloirs, je me fais silencieuse et quitte la forteresse. Je marche une vingtaine de minutes puis m’arrête. Les yeux clos, les lèvres en mouvement, je récite une incantation à voix basse avant de poser une main au sol. La terre se met à trembler, le sol s’ouvre, d’énormes morceaux tombent dans l’oubli. Fouillant dans ma besace, j’en sors une petite fiole bleutée que je bois discrètement le temps que le tremblement cesse.

Je balaye le sol du regard et remarque une énorme main de pierre. Relevant légèrement ma robe du bout des doigts, je m’y installe sereinement puis, de mon bâton, donne un petit coup sur cette main. Dans un bruit sourd je suis élevée dans les airs, jette un œil aux alentours avant de porter mon regard dans mon dos. Deux billes lumineuses attirent mon attention, je souris d’un air béat. Mes journées précédentes à déchiffrer cette formule sont un succès.
Un grognement résonne dans la plaine où je me trouve, et j’observe minutieusement le monstre de pierre que je viens d’invoquer. Quelle fascinante créature me dis-je. Son regard croise le mien, du moins.. je crois. Un second grognement retentit, plus doux. Je relève à nouveau ma robe et m’assois confortablement dans la paume du géant, puis lui hurle de toutes mes forces « à Watergate ! ». Aussitôt dit, la bête se lève et je me sens à nouveau porté vers les cieux. Dans un énorme vacarme, nous progressons. Je fixe soudainement le sol, les mains agrippées à un de ses doigts et observe ses pieds s’enfoncer dans le sol, laissant une empreinte d’au moins dix mètres.

Je retourne au milieu de sa paume puis aperçoit déjà, au loin, la forêt de Sherwood. Restant un instant sans voix, je peine à croire que nous soyons déjà en train de dépasser les Hautes Terres. J’applaudis de joie et me rend compte que nous allons de moins en moins vite. Je me retourne rapidement vers le Golem, le visage empli d’inquiétude pour lui.
Soudain, une petite quantité d’eau me gifle. Je frotte douloureusement ma joue en me rendant compte que nous nous enfonçons dans la mer. Le monstre de pierre semble hurler de douleur et je commence à paniquer.

Que faire ? Que dire ?.. Me mordant la lèvre inférieure, mon regard fusant dans toutes les directions, je cherche hâtivement une solution pour nous éviter le pire. Mes yeux s’écarquillent presque aussitôt un bref instant. Je me tourne vers le golem en brandissant mon bâton vers lui. Une fraction de seconde plus tard, il fait marche arrière et retourne sur la terre ferme. Je soupire, rassurée mais ne peut m’empêcher de me demander comment a t-il su ce que j’allais dire. Sommes-nous capable de communiquer autrement que par la parole.. ? Il semblerait en effet.
Je remarque quelques dragons au loin, frôlant les cieux avec fierté. Mon sérieux repris, je m’occupe un long moment de mon golem en le remerciant et faisant de mon mieux pour ses jambes amollies.

Il reprend son calme, cesse de hurler et commence à s’enfoncer dans le sol, peu à peu. L’invocation touche à sa fin, je suis arrivée là où je voulais, je n’ai donc plus besoin de lui. Je le remercie une dernière fois, espérant le revoir d’ici peu.

Je fais face à la grande quantité d’eau devant moi. Quelques ailerons dépassant à la surface ne me rassurent guère. Cependant, je récite une seconde formule magique puis ressent quelque chose de mou dans mon dos. Dans un sursaut je me retourne et constate, avec étonnement qu’un petit nuage se trouve face à moi. Mon regard se perd dans cette blancheur infinie mais décide au bout de quelques minutes de grimper dessus. Mes mains s’enfoncent dans ce nuage et je ressens quelque chose de familier. Je m’élève à nouveau dans les cieux, regardant de haut les quelques bêtes aquatique dans mon champs de vision, condamnées.
Mon attention se reporte à la ville de Watergate, au loin, sur la terre ferme. Je survole stupéfaite la longue rivière en me dirigeant vers la ville.

[…]

Rollo serait un bon nom pour le golem. Oui, j’en suis certaine. Une heure après l’apparition du nuage dans mon dos, j’atterris sans encombre sur la terre ferme où se trouve Watergate. Je soupire pour la seconde fois de la journée, mais cette fois, par ennuie. Ce voyage m’a épuisé, je ne commencerai l’entrainement que demain finalement.. Rollo m’a fait gagner un temps précieux. Sans lui, je ne serai même pas à la moitié du chemin. Oui, Rollo lui ira très bien. Je me mets à rire sans retenue, pendant quelques minutes. Puis me dirige, titubante légèrement, dans la première auberge que je vois, réserve une chambre et m’effondre immédiatement dans le lit. Mes yeux se ferme à la seconde où mon corps fut sur le lit.